De l’eau et des glaçons : le redoutable cocktail 2021
La météo met à rude épreuve la vigne cette année. Le gel catastrophique (voir les photos ici) a été suivi d’un passage de grêle très important en juin sur des couloirs très précis, et le froid persistant de mai s’est transformé en humidité tropicale fin juin. Résultat, après un fort ralentissement, les vignes ont vécu une énorme accélération de la pousse. Autant d’épreuves pour la ténacité des vignerons qui ont dû s’adapter à une année hors du commun. Mais ont-ils complètement perdu espoir ? Pas vraiment !
Éléments d’explication avec Sébastien Gault, excellent vigneron de Mercurey, estampillé bien évidemment … Anima Vinum.
De l’eau et des glaçons : le redoutable cocktail 2021
« A la fin, tu ne sais plus comment tu t’appelles »
Ils ont fini par rentrer dans les rangs à grands coups d’heures supplémentaires et de cisailles… Les vignerons bourguignons se sont retrouvés face à des jungles de vignes début juin. Et pour cause, l’espèce vitis vinifera appartient à la famille des lianes ; elle a profité du temps tropical pour pousser de 10 à 20 centimètres par jours pendant deux semaines.
Pour nos artisans, les jours étaient comptés : pas question de se laisser rattraper par le matériel végétal pour attacher les branches, ôter les entrecoeurs, commencer à palisser pour la suite de la saison. Car le mildiou guette dans le feuillage mouillé et dense. Comme beaucoup, Sébastien Gault a dû passer en tracteur dans la terre collante et glissante pour dégrossir le travail à la rogneuse. Avec une moue : « On n’aime pas trop tasser les sols »…
Le mois de juillet incroyablement humide et froid ajoute une difficulté supplémentaire : les traitements deviennent inefficaces contre les mildiou et oïdium – redoutables ennemis de la vigne. Pour un millésime comme celui-ci, seul le travail manuel fera la différence. La lutte prophylactique (préventive) joue pleinement son rôle : rogner les vignes, aérer le feuillage pour qu’il s’assèche au moindre rayon de soleil, tout doit être fait à temps par les équipes à pieds. Le travail des Hommes va être l’alternative décisive afin de garder un bon état sanitaire.
« En 24 ans de vignes je n’avais jamais vu cela … »
Sébastien Gault continue à avancer dans le rang : « Ce qui est triste aussi, c’est ça… », pointant du doigt des pieds morts. « Ce jeune cep ne s’en est pas remis… » Ici, à Mercurey, la vigne a été particulièrement décimée par la grêle. « Des grêlons comme des glaçons de congélateur, carrés, gros comme ça ». Et puis, le gel a fait disparaître les tracés de taille. Les bourres et les débourres ont deux semaines d’écart, pour la vendange, il faudra gérer deux maturités très différentes. Une gageure… « En 24 ans de vignes je n’avais jamais vu cela … », soupire le vigneron.
« A défaut de raisin, on va faire des feuilles cette année !»
Donc … la récolte sera faible en 2021. Le travail à la vigne n’en sera-t-il que plus léger ?
Pas vraiment ! Car il faut préparer le millésime 2022. Faire du bois. La saison doit être bouclée , les vignes taillées à temps (et au bon endroit). Car deux risques se profilent. Premièrement, si le redoutable mildiou, s’empare des feuilles qui fonctionnent comme des panneaux solaires, les vignes ne pourront pas faire de réserves d’énergie dans leurs racines pour l’année prochaine. Et deuxièmement, s’il est trop présent dans les rangs, les spores vont rester au sol et engendrer une prochaine contamination en 2022.
Malgré le peu de raisins à récolter, les vendanges s’annoncent compliquées. A cause du gel, les raisins auront deux stades de maturité très différents. Adieu les cuvées parcellaires – les quantités par climat seront faibles. « Alors soit je ferai des cuvées par appellation (Rully, Mercurey, Bouzeron, etc.) afin d’équilibrer les maturités, explique Sébastien Gault, soit nous trierons minutieusement à la vendange selon les maturités et nous choisirons ce que nous mettrons dans nos cuves. »
Moral et vignes : « Aujourd’hui, on a besoin de soleil »
Allez, cette fois, promis, on parle de ce qui va bien !
Premier rayon de soleil pour le moral, c’est cet échange entre collègue qui s’intensifie. « Au moins, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas que moi ! J’avais l’impression d’avoir raté quelque chose », réalise Sébastien Gault. Tous à trimer dans des vignes chaotiques, ils finissent par « discuter entre les rangs ». Certains philosophent : « C’est la nature qui impose son rythme, à nous de savoir l’écouter. »
« Les années à orages sont pénibles, l’avantage c’est qu’elles font souvent de grands millésimes », réfléchit le vigneron. Et sur le sud de la côte des vins en Bourgogne, ce ne serait pas chose rare. En effet, suite au changement climatique et à la modification vertueuse des pratiques viticoles, les anciens comme Roland Masse, ex-régisseur des Hospices de Beaune, mais aussi certains Master of Wine ou autres grands dégustateurs, constatent un grand progrès dans la qualité des vins (meilleures maturités, meilleures concentrations) qui rappellent certains crus fameux des côte de Beaune ou de Nuits.
Et puis, toute cette eau qui tombe du ciel, c’est autant d’engrangé dans les nappes phréatiques et dans les sols ! Des sols qui avaient souffert l’année dernière de la sécheresse et qui vont pouvoir se régénérer, à condition bien sûr que la couche d’humus soit toujours bien présente à la surface. Autant de jus en réserve, si le temps devait virer au beau et au chaud !
Les vignerons scrutent la météo et chaque rayon de soleil gagné est une bénédiction. Aujourd’hui, on a vraiment besoin de soleil !
Le millésime 2021 n’est pas terminé et les vendanges prévues à la mi-septembre ne sont pas faites. Mais à mi-parcours, on constate que la saison est éprouvante pour les Hommes, pour les vignes. Leur ténacité, leur santé parfois, est mise à (très) rude épreuve. Et nous, Anima Vinum, nous les saluons et reconnaissons haut et fort la valeur de leur travail. Nous croisons les antennes pour que ce millésime, bien que peu productif, nous apporte son lot de bonnes surprises. Et du beau temps !!!