Pourquoi la Saint-Vincent ?
Des « escouades » de vignerons à la rescousse !
Pour mieux comprendre les fêtes de la Saint-Vincent, il faut se replacer cent cinquante ans en arrière. Le contexte est morose après la Crise du Phylloxéra (1868-1895). En Côte-d’Or, le ravageur détruit la vigne dès 1878 (en 1882 à Meursault). Certains grands domaines périclitent, la carte est redessinée. Les tâcherons se lancent alors dans une activité indépendante et acquièrent à peu de frais les terrains ravagés qu’ils replantent et cultivent à la force de leurs bras. Le travail est difficile, peu rémunérateur mais les ouvriers de la vigne tiennent bon. Du courage, il en faut pour travailler seul sous la contrainte des aléas climatiques et économiques.
Leur potion magique, c’est alors la société d’entraide ou Société de secours mutuels créée en 1836, elle existe à cette époque depuis 50 ans déjà, à Meursault. Les vignerons s’organisent par escouades. Si un vigneron tombe malade, par exemple, chaque escouade de cinq travailleurs viendra à tour de rôle le remplacer aux vignes pour effectuer en une journée, l’équivalent d’une semaine de travail – puisque les cinq membres de l’escouade travaillent simultanément. Si le vigneron venait à mourir avant la fin de la saison, il serait remplacé de cette manière jusqu’à la fin de celle-ci. « Le système a permis de sauver bon nombre de domaines de la faillite », souligne Philippe Bouzereau, vigneron à la retraite et ex-propriétaire du Château de Cîteaux.
Parce que les vignes sont au repos, parce que le vin est douillettement installé dans les caves après une année riche en émotions et intense en labeur, parce que les vignerons ont du temps et surtout l’envie de prendre une pause et de fêter tout cela, la Saint-Vincent est une occasion en or de se rassembler dans les villages depuis deux siècles.
« En parallèle, la Société de secours mutuels célébrait la Saint-Vincent. Après la messe du samedi matin, on sortait le Saint, sa statue en bois vernis était confiée à un vigneron une année durant. La tradition laïque voulait que l’on donne aux non-croyants un bouquet (arbuste) de genévrier. Aujourd’hui, les deux traditions étant réunies depuis longtemps à Meursault, les vignerons transmettent le saint ET le bouquet. A la sortie de l’office, on l’accompagnait en procession chez lui avec la fanfare et on terminait par une petite réception chez lui ou dans sa cuverie. A l’issue de l’année, le vigneron donnait une réception plus importante avant d’emmener la statue à l’office. » Avec le temps, la fête a pris des proportions de plus en plus impressionnantes. « J’ai eu le Saint en 1998, nous avons reçu 800 convives pour la fête des gaufres, peu avant de redonner le Saint. »