Changement climatique : et maintenant ?
Nous sommes en plein dans la période critique, celle où les viticulteurs scrutent les moindres variations climatiques sur l’écran de leur portable. Jusqu’à la mi-mai, une phase délicate a lieu, c’est la sortie des bourgeons précoces – du fait des hivers de plus en plus doux – couplée à des gelées matinales importantes (-8°C en avril 2021 en Bourgogne et -5 à -7°C le 4 avril dernier en Bourgogne également).
Gelées Noires – Nuits blanches
Ce sont les « gelées noires ». Elles étaient exceptionnelles jusqu’au début des années 2010 puis elle se sont systématisées. Depuis 2016, les viticulteurs connaissent une réalité que les générations précédentes de vignerons n’ont jamais vécues : devoir protéger les vignes des gelées de printemps afin de préserver leur récolte. Le risque ? Perdre jusqu’à 50% – voire plus rarement la quasi-totalité – de la récolte.
Cette nouveauté climatique met en péril les exploitations viticoles, et oblige les viticulteurs à contracter des emprunts afin de pérenniser leur activité. Certains ont vu leur projet tout juste démarrant, s’arrêter net.
2021, l’année choc… et les premières pistes de réflexion
2021 a été l’année choc, beaucoup d’exploitation ont vu leurs récoltes amputées de 30 à 50% de manière quasi générale, c’est un millésime où il sera difficile de trouver du vin français. C’est aussi l’année où les exploitants ont commencé à réfléchir plus sérieusement à de nouvelles solutions. Pas un simple coup de malchance, donc, les gelées s’installent dans le temps et c’est une réalité avec laquelle il va falloir compter désormais.
Mais que faire ? Doit-on mutualiser la protection ? C’est ce qu’il s’est passé au début dans les villages où les viticulteurs faisaient flamber des bottes de paille afin de créer un voile de fumée près du sol pour atténuer les effets du froid mais aussi le premier rayon de soleil destructeur (effet loupe) sur les bourgeons frigorifiés.
Doit-on au contraire, se concentrer uniquement sur les parcelles à risque ? En posant des bougies (paraffine + pétrole) comme cela a été largement le cas en 2021 mais aussi cette année en Bourgogne dans les premiers et grands crus de Chardonnay (un cépage plus en avance). Avec l’inconvénient d’une nappe de pollution couvrant les villages le lendemain.
Doit-on rechercher des solutions plus technologiques ? Des fils chauffants (extrêmement coûteux et non mobiles) alimentés par des générateurs d’électricité – gros consommateurs d’énergie. Quid de l’aspersion pratiquée dans le chablisien ? (Un lac artificiel est dédié à l’aspersion des vignes) En recouvrant chaque bourgeon d’une pellicule d’eau, on le protège du froid. Et les hélicoptères ? Et les éoliennes brassant de l’air chaud à hauteur du sol ?
Doit-on demander à la plante de bourgeonner plus tardivement en la taillant plus tardivement ? Une solution qui a ses limites puisque dès que la remontée de sève a lieu, on épuise les réserves en énergie de la plante…
Une piste à long terme, repérer et pérenniser les cépages du futur
Une piste à plus long terme voit déjà le jour, c’est un conservatoire bourguignon des cépages plus tardifs, afin d’adapter la plante au climat changeant. Plusieurs vignerons rassemblent déjà des ceps sous la houlette de Jean-Claude Rateau, président du GEST (Groupement d’étude et de suivi des Terroirs), mais cette action ne portera ses fruits qu’à long terme : 10 à 15 ans, le temps que les ceps récupérés soient reproduits dans des conditions naturelles et pérennes.
Les réponses sont multiples mais aujourd’hui, qui est en mesure d’affirmer qu’il sait réellement où il va dans l’adaptation à ce changement climatique sur les vignes ? La conséquence la plus directe du changement climatique est non seulement un épuisement des récoltes et donc de la production de vin en France, mais aussi (et surtout ?) un épuisement physique et moral des vignerons.