“Nous ne récoltons que le caviar “
Ludivine Griveau donne ses premières impressions sur le millésime 2023 aux Hospices de Beaune.
As-tu une idée du profil de ce millésime 2023 pour les Hospices de Beaune ?
C’est une vraie bonne question … Est-ce qu’on peut mettre « profil » au pluriel ?! (rire)
C’est un profil assez déroutant, on a un millésime qui nous a tout de même poussé dans nos retranchements depuis sa genèse. Un millésime que l’on pensait tardif, qui s’est finalement retrouvé précoce et qui finalement est parfaitement dans les clous de ce que la fleur annonçait. On est à 100 jours de la fleur.
« J’ai le sentiment d’une belle énergie en blanc »
C’est un millésime qui pour moi s’annonce vraiment prometteur sur les blancs, parce que le chardonnay a tout de même beaucoup moins souffert de tous les aléas climatiques, y compris le dernier en date – cette canicule de septembre. Elle s’apparente à un aléa climatique au même titre que de la grêle ou du gel. Trois quatre jours de « très chaud », on connait, on s’organise, mais douze jours non-stop, c’était complètement inattendu.
Donc le chardonnay a bien mieux résisté et nous laisse entrevoir quelque chose de beau … En tous cas aux Hospices, nous n’avons pas eu de problème sanitaire, donc on a rentré des raisins tout dorés, tout beaux, des degrés naturels en phase avec nos objectifs, des bilans acides qui se tiennent. J’ai le sentiment d’une belle énergie en blanc.
Je suis beaucoup plus mesurée sur les rouges qu’on est encore en train de rentrer. Il faut que j’aie un tout petit peu de temps pour digérer ce qu’on rentre. Le pinot noir a clairement beaucoup plus souffert de cette vague de chaleur. Mais en même temps, j’ai envie de dire : « c’était ça ou pas mûr ».
« Cette année, le millésime était sur une trame très généreuse »
Quand je vois qu’aux Hospices de Beaune – et je ne parle que pour nous – depuis le premier quart de poil de mollet de fourmi de bourgeon, on régule notre rendement – on ébourgeonne, on dédouble, on a même enlevé des branches à l’accolage, on a fait quelques vendanges en vert (9ha sur 50ha) – et qu’on en avait quand même encore beaucoup, on se dit quand même que le millésime était sur une trame très généreuse. Maintenant, ce n’est pas allé au bout, parce que les problèmes de maturité, parce que le mois d’août qu’on a eu, parce que les choses ne s’annonçaient pas très faciles en termes de maturité, on avait fait le choix d’attendre. Parce qu’au prélèvement du 4 septembre, on n’avait pas assez de maturité aromatique, ni phénolique, et encore moins en sucres.
Et on aurait eu besoin de 4 jours de très chaud – pour que tout se concentre, pour que la photosynthèse aie lieu – et puis on en a eu 12. Donc on a un peu sur-mûri.
Jamais dans des proportions catastrophiques, mais on a des baies qui se sont abimées, un peu plus de flétrissement.
Et quand je parle d’aléa climatique en rouge, c’est parce que ça nous a volé de la vendange, de la récolte. Certes qui était généreuse, mais s’il avait fait moins chaud, on aurait pu prendre le luxe de sélectionner un peu nos baies.
Cela fait des peaux un peu épaissies, du jus qui s’est concentré. En fait, nous sommes en train de cumuler les deux aspects. La photosynthèse qui a fait murir les baies, de façon très normale et physiologique. Et le soleil qui a fait concentrer et évaporer l’eau.
Donc au lieu de prendre un degré par semaine, qui est ce qu’on prend en général dans les dernières semaines d’un millésime, on en a pris 2 voire 3.
Donc c’est un millésime difficile à résumer. Le profil en rouge, pour l’instant je n’en sais rien. C’est trop tôt, on les rentre. Les couleurs semblent très belles, ça semble sortir bien. Pour le coup, pour y « être allé » (être entré en vendanges, ndr) en dernier, les aromatiques sont très belles. Reste à voir comment tout cela va s’articuler dans la suite de la vinification.
On est dans les tout premiers jours de macération. On est encore à froid, il n’y a rien qui fermente…
Quels défis techniques se profilent ?
Cela va être de garder la fraîcheur, travailler le fruit, le fruit, le fruit, le fruit… J’ai l’impression que la matière ne sera pas le sujet. Il y a de la matière, je pense qu’il y a le potentiel dans les peaux, en rouge. Je ne pense pas que la structure ou la texture des rouges soit le sujet. Je pense que le défi technique va surtout porter sur le fait de conserver le fruit et de ne pas faire des vins trop riches… même si il y aura des degrés alcooliques un peu élevés.
Est-ce qu’il y a beaucoup de tri ?
Il y a beaucoup de tri, justement parce que nous faisons le choix de ne laisser que le caviar.
C’est un peu plus sévère certainement que ce que certains domaines choisiront de faire, après, aux Hospices de Beaune, nous n’avons pas de contraintes de production, bien sûr qu’il faut raisonner les coûts, mais nous sommes moins dans une optique de gestion de coûts, de rationalisation. Donc on doit se payer le luxe de faire des grands vins et si cela doit passer par la sélection des meilleurs raisins, on n’hésite pas à jeter. Donc le tri est sévère.
Un petit mot pour les co-acheteurs ?
Plus que jamais, on vous attend ! Vous autres nos fidèles … et très certainement aussi nouveaux acheteurs et co-acheteurs. Le domaine des Hospices de Beaune chaque année fait de son mieux pour produire de grands vins, puisque maintenant tout le monde sait que la cause est belle aussi, puisque ce sont notre hôpital, nos Hospices de Beaune.
Et vous remercier encore et encore d’être avec nous, d’être derrière nous. Parce que c’est un petit bout de vous qui nous porte chaque jour. Et dans les décisions que nous pouvons prendre à chaque fois. Je crois qu’il faut que vous gardiez en tête qu’on ne fait jamais du vin pour soi, on fait du vin pour les autres… Donc voilà on va tout faire pour !