Retraits bien mérités

Retraits bien mérités

Aujourd’hui, c’est chasse au trésor, ou presque. On est tous là, pressés autour d’un trou d’un mètre de profondeur, les yeux rivés sur le fond, et très attentifs aux conclusions du chercheur. Emmanuel Chevigny (société Adama) est au fond de la fosse, sur le côté, un tas de gros cailloux disséminés dans une terre argileuse légèrement orangée. Emmanuel, ce n’est pas un pirate, pourtant il observe les cailloux et les amas de pierres avec insistance comme s’il venait de trouver des pépites d’or, là, dans les couches successives de terre étagée.

De son côté, Jérôme Galeyrand, (vigneron à Gevrey) qui a commandé l’étude à ce spécialiste des sous-sols viticoles, s’émerveille. Les gros cailloux remontés des profondeurs ne brillent pourtant pas tellement. Oui mais voilà … Ces pierres calcaires sont une chance incroyable pour les vignes. Ils sont drainants.

Nous sommes proche des carrières de Comblanchien, celles qui ont par exemple, fourni tout Dijon en pierre blanche pour se construire. L’objectif sur cette parcelle était de savoir quel type de sol il allait y avoir. « Donc ici nous ne sommes pas sur un substrat jurassique mais sur un substrat plus récent puisque ces cônes se sont déposés pendant les dernières périodes glaciaires, il y a environ 20 000 ans, sur le calcaire qui date du jurassique (160 millions d’années) – que vous allez pouvoir retrouver à une centaine de mètres plus au nord dans le Clos de la Maréchale », intervient Emmanuel Chevigny.

Et de résumer, muni de son Code Munsell et de sa pipette d’acide chlorhydrique : « Nous sommes sur un sol que l’on peut qualifier de « court » (35 cm d’épaisseur), qui s’est formé par l’altération du matériau parental que nous avons en dessous, c’est-à-dire un cône alluvial : des éléments qui ont été érodés dans la combe qui est juste derrière et qui se sont déposés à cet endroit-là. C’est donc un sol argilo-limoneux, des textures que l’on va retrouver ici sur la Côte, avec ici, un très bel enracinement au niveau du sol, et des racines qui vont descendre en profondeur. Nous avons plutôt une bonne réserve hydrique ici, et un sol drainant mais aussi un peu sensible à la compaction, et c’est ce que l’on peut voir dans l’inter-rang. »

Un petit verre de la cuvée 2015 du Bourgogne Les Retraits de Jérôme est servi pour se féliciter. Un nez envoûtant typique d’un Pinot bien mûr et bien en chair, une bouche qui explose de petits fruits noirs, une belle concentration, des tannins soyeux ; une gorgée de bonheur, là, devant les rangs qui s’étalent, fraîchement labourés. Et un saucisson.  « Jérôme, qu’est-ce qui rend ce vin aussi … typé, expressif… aussi bon ? » Le vigneron de Gevrey explique que c’est lié à l’histoire de la parcelle, plantée en 1925-1932 en sélection massale. « C’est ce qui lui donne l’identité, ce qui donne le goût de ce vin. Ici, l’aromatique est toujours la même aromatique : un côté Pinot délicat. Dense et fin à la fois. C’est lié au sol et au superbe matériel végétal. Ici, la vigne est toujours dans les bonnes conditions pour bien se développer. » Brise de satisfaction sur Comblanchien.